« Les langues africaines n’ont jusque récemment que trop peu fait l’objet d’études. Pour des raisons politiques et historiques d’abord, pour des raisons plus pratiques ensuite : pour la plupart de ces langues, les espaces géographiques sur lesquels elles évoluent sont trop restreints et le nombre de locuteurs trop réduits (en Côte d’Ivoire, il existe plus de soixante langues indigènes et plus d’une centaine au total parlées dans le pays).
L’agni (aussi orthographié « anyin »), langue africaine parlée par les Agni (que l’on orthographie parfois Ani, Anyin ou Anyi) lagunaires – membres des populations Akan arrivées en plusieurs vagues du Sud-Est ghanéen, parmi les premiers peuples d’Afrique à être entrés en contact avec les Européens au XVIIe siècle – vivant en Afrique de l’Ouest, principalement entre l’est de la Côte d’Ivoire et l’ouest du Ghana, fait génétiquement partie de la grande famille des langues kwa (branche de la famille de langues nigéro-congolaises parlées en Afrique de l’Ouest en Côte d’Ivoire, au Ghana et au Togo) et appartient au sous-groupe important des langues tano. Les langues nigéro-congolaises (ou langues Niger-Congo selon la terminologie anglo-saxonne) constituent la plus étendue des familles de langues africaines (plus de mille-cinq-cents langues, soit près de vingt pour cent du total des langues parlées sur la planète), tant en répartition géographique qu’en nombre de locuteurs (les langues nigéro-congolaises sont parlées par plus de quatre-cent-cinquante millions de locuteurs représentant environs sept pour cent de la population mondiale) ; la très grande majorité des langues d’Afrique subsaharienne appartient à cette famille.
Le périmètre linguistique de l’agni, restreint et dense, est subdivisé en chefs-lieux représentés par des villes, qui sont les capitales respectives des différentes variétés ; nous étudions l’agni du Royaume du Sanwi, parlé principalement dans la région d’Aboisso (une vingtaine de villages) au sud-est de la Côte d’Ivoire, dont Krinjabo est la capitale (siège de la cour royale) ».
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Introduction à la langue agni
Le Royaume du Sanwi, dont le tenant du titre royal est Enan Eboua Koutoua Francis dit Nanan Amon N’Douffou V, est une organisation sociale traditionnelle installée sur l’actuel territoire de la Côte d’Ivoire.
Faisant fi de la structure étatique imposée par le modèle colonial, le Royaume conserve son histoire propre, remontant au début du dix-septième siècle, ainsi que ses institutions (système judiciaire), mais également ses traditions culturelles, notamment la fête des ignames pendant laquelle sont pratiquées par les féticheurs, des cérémonies de purification ou sacrifice aux divinités lacustres.
Ce royaume, qui constitue ainsi une organisation sociale séparée, possède sa propre langue, l’agni du Sanwi.
Une organisation sociale séparée, une langue séparée, il s’exprime ici la position unique et dans le même temps universelle du langage, à la fois reflétant les conditions de la vie sociale, et dans un mouvement proprement dialectique, les structurant.
Comprendre l’agni du Sanwi, c’est entrer dans un monde différent, plus précisément, dans un monde qui diffère. C’est ce à quoi nous invitons ici le lecteur.
Introduction à la langue agni
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